Le lendemain matin, Sam au bureau croisa Élodie, la jeune cruciverbiste. Il voulut à cet instant lancer un trait des plus audacieux pour qu’elle le remarque enfin.
« Décidément … » s’entendit-il dire.

Contre toute attente, Elodie lui sourit et baissa les yeux. Le temps était compté, Sam se devait d’enchaîner sur un sujet qui allait captiver son attention :
« Alors, le siège de nos désirs ? » Lança-t-il d’un air goguenard. Décidément, se dit Sam, le chemin qui mène au cœur d’Elodie n’est sûrement pas le plus direct !

Absorbé au plus profond de ses pensées métaphysiques, Sam ne remarqua pas la présence de son hiérarchique.

« Sam vous êtes à l’heure ce matin ! Lui lança son chef sur un ton de reproches.
Sam émergea les yeux hagards.
- Vous aviez pris l’habitude d’arriver le premier et de partir le dernier … Sam baissa les yeux.
- C’est nouveau, vous innovez mon vieux, renchérit le manager, rappelez-vous ceci mon jeune ami : notre entreprise en tant qu’organisation structurée par l’efficience et l’optimisation des tâches ne permet pas, en tant que telle, l’émergence de l’innovation ».

En se dirigeant vers son poste de travail, Sam accusa le coup. Elodie sa voisine s’inquiéta :
« Ca va Sam ?
– J’ai pris une soufflante du manager …
– Tu savais que « manager » ça veut dire « ménager » ?
– Ménager, t’es sûre ? c’est pas un mot américain ?
– C’est du latin, ça veut dire agir avec la main, autrement dit mettre en mouvement
– Notre manager à nous, il nous remet surtout à notre place
– En vrai, le manager c’est celui qui permet les conditions attendues du mouvement…
– Ça veut dire quoi ?
– Bein, permettre un max de mouvement avec un minimum d’énergie, ça s’appelle réguler !
– C’est ça que je désire le plus !!! s’exclama Sam foudroyé par une nouvelle fulgurance
– Qu’est-ce que tu veux dire ?
– L’innovation ! ce serait de permettre à chacun de choisir la route de moindre résistance pour se retrouver autour d’un objectif commun … Et des routes, y en a autant que des personnes !
– Comment tu sais ça, toi ?
– A cause du mercure…
– Du mercure ?
– J’ai cassé un thermomètre hier soir…
– Si tu t’es blessé en prenant ta température, tu ne devrais pas rester assis trop longtemps…
– C’était le thermomètre de mon père…
– Ton père est malade ?
– Non, il est mort…
– Mon Dieu, Sam, je suis désolée…
– Il est mort quand j’étais tout petit…
– Tu as pris la température d’un cadavre ? Sam, quelle étrange idée…
– Ah ! cette manie, s’énerva Sam, qu’ont les gens d’interpréter l’information sans jamais pouvoir la transmettre… Et on s’étonne qu’il y ait des guerres !
– Sacré Sam ! s’esclaffa Elodie dans un éclat de rire.
– Vas-y marre toi…
– Tu as changé Sam…
– Ah oui ?
– En vrai, je te trouve plus… singulier !
– Ça c’est innovant, sourit Sam ».